Preuve numérique, blockchain et commissaire de justice : la jurisprudence européenne trace une voie claire

29 juillet 2025

Alors que la blockchain s’impose progressivement comme un outil central dans les stratégies de traçabilité et de protection des droits, nous constatons que les juridictions européennes commencent à dessiner un cadre de plus en plus net autour de sa valeur probatoire. 

Deux décisions récentes, rendues en mars 2025 par le Conseil d’État français et le tribunal judiciaire de Marseille, marquent un tournant. Elles posent les bases d’un équilibre entre innovation technologique et sécurité juridique, en reconnaissant le rôle essentiel des commissaires de justice dans la validation des preuves numériques.

Une exigence renforcée de fiabilité des preuves numériques

Dans une décision du 10 mars 2025 (n° 0472387), le Conseil d’État rappelle un principe fondamental : la preuve numérique, même lorsqu’elle est accompagnée de métadonnées (comme une photographie horodatée), ne peut être considérée comme totalement fiable si elle n’est pas sécurisée par une autorité de confiance.

Pourquoi ? Parce que les métadonnées, ces informations techniques associées à un fichier (date de création, appareil utilisé, géolocalisation…), peuvent être modifiées après coup. Or, dans un contexte de litige, cette malléabilité affaiblit la force probante du document. Ainsi, la juridiction valide la position d’une cour d’appel ayant écarté une série de photographies comme preuve, au motif que leur date n’était pas suffisamment authentifiée.

Cette position rejoint une tendance plus large dans le droit européen : l’exigence d’authenticité, de traçabilité et d’intégrité des preuves numériques, en particulier lorsqu’elles sont produites dans le cadre d’un contentieux.

La blockchain, un outil puissant mais non autonome

La question suivante est logique : la blockchain suffit-elle à garantir l’intégrité d’une preuve numérique ? À première vue, oui : une blockchain publique est réputée infalsifiable, distribuée, horodatée. Mais la réalité juridique est en fait plus nuancée.

Dans la même décision, le Conseil d’État précise que seul un commissaire de justice (anciennement huissier), opérant directement sur la blockchain via son propre nœud, peut offrir une garantie juridique suffisante. 

Pourquoi ? Parce qu’entre le moment de la création d’un fichier et celui de son ancrage sur la blockchain, des altérations peuvent intervenir. Ce n’est qu’en encadrant ce processus par un officier public, reconnu par l’État, que l’on peut attester avec certitude de l’authenticité et de la date de la preuve.

Autrement dit : la blockchain est un outil, mais elle ne remplace pas le commissaire de justice. Elle renforce son constat, mais ne peut s’y substituer.

Vers une reconnaissance juridique encadrée de la blockchain

C’est là qu’intervient une seconde décision, cette fois rendue le 20 mars 2025 par le tribunal judiciaire de Marseille (n° 23/00046). Dans cette affaire, un constat d’horodatage blockchain réalisé via la plateforme BlockchainyourIP, par un commissaire de justice, a été pleinement reconnu comme preuve de titularité des droits d’auteur.

Le tribunal valide donc l’idée que lorsqu’un commissaire de justice utilise une solution d’ancrage blockchain pour établir un constat, le résultat bénéficie d’une pleine valeur probante. Cette reconnaissance repose toutefois sur un point fondamental : l’intervention directe et traçable de l’officier public dans le processus d’enregistrement.

Ce jugement constitue une avancée importante pour tous les créateurs, artistes, entreprises ou plateformes qui cherchent à sécuriser leurs droits dans un environnement numérique.

Une jurisprudence cohérente et complémentaire

Ces deux décisions ne sont pas contradictoires. Mieux, elles sont parfaitement complémentaires.

  • La première affirme que la preuve numérique, laissée seule à elle-même, n’a pas de force probante suffisante.
  • La seconde reconnaît que la blockchain peut devenir un support de preuve robuste, si et seulement si elle est adossée à l’intervention d’un commissaire de justice.

Cette cohérence ouvre une voie juridique stable pour les années à venir. Elle permet aux acteurs du marché (notamment dans les secteurs de l’art, de l’innovation ou de la propriété intellectuelle) de construire des stratégies probatoires solides, en combinant technologie et sécurité juridique.

Quelles implications pour les utilisateurs d’ARTTS ?

Chez ARTTS, cette jurisprudence valide pleinement notre approche hybride : associer les technologies les plus avancées avec l’intervention d’acteurs de confiance comme les commissaires de justice.

Concrètement, cela signifie qu’un artiste, une galerie ou un collectionneur peut :

  • ancrer une œuvre dans une blockchain via ARTTS,
  • faire intervenir un huissier ou un commissaire de justice pour constater l’œuvre, la date et les données,
  • bénéficier d’une preuve complète, juridiquement opposable, en cas de litige ou de besoin de vérification.

Cette démarche est particulièrement pertinente dans les situations de litige sur l’authenticité, la paternité d’une œuvre, ou la propriété intellectuelle. Elle répond également aux exigences croissantes du marché secondaire, des compagnies d’assurance ou des institutions culturelles.

En conclusion : la sécurité probatoire passe par une alliance intelligente

La jurisprudence de 2025 nous montre que le droit européen avance dans le bon sens : il reconnaît les outils numériques, mais exige un cadre humain, fiable et traçable pour les encadrer.

La blockchain seule ne suffit pas. L’intervention d’un commissaire de justice, opérant sur son propre nœud, garantit l’intégrité de la preuve. Cette combinaison ouvre la voie à une nouvelle génération de certifications — robustes, transparentes et pleinement reconnues.

Chez ARTTS, nous croyons que la technologie n’a de valeur juridique que lorsqu’elle s’inscrit dans un écosystème de confiance. Et c’est précisément ce que nous construisons : un environnement sécurisé, accessible et conforme aux meilleures pratiques, pour tous les professionnels de l’art et de la culture.

 

François Toussaint

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